la dénomination perpétuelle est chez elle une manie de la précision.

J’ai toujours été fascinée par les mouvements à l’écran et hors de l’image. La brutalité glaçante de l’image elle-même, m’attire et me fige à la fois. Le massacre des figurants dans ces mises en scènes, m’oppresse et me frappe. Tout à la fois.

>

à travers l’allégorie de la caverne de Platon,

elle traite de la documentation des événements

et de la façon dont ils peuvent être présentés.

son travail tente d’exprimer cela,

avec l’aide des arts, des sciences et des technologies,

sans raconter de métaphore ou créer d’histoire.

Très vite, je me suis heurtée à ce qui aurait du construire paisiblement mon identité de femme; cet héritage – une manière d’être au monde, qu’ont questionné des livres d’abord (la Mécanique des femmes de louis calaferte) puis des films (la maman et la putain de jean eustache) écrits par des hommes, pour des hommes et des femmes à qui l’on peut expliquer leurs corps, leurs sexes, et l’endroit de leurs libertés. Cet héritage, mon héritage, m’a irritée. Me méfier d’eux, a été instinctif.

Très vite, je me suis rendu compte que la distinction entre créateurs et publics était aussi ténue que celle entre témoins et acteurs (le créateur comme témoins, le public comme acteur). Très vite, j’ai eu peur des connexions qui illusionnent et manipulent des centaines et des milliers d’émetteurs et de récepteurs, tous affectés dans cette liaison, faisant corps avec d’autres accords que ceux qu’ils auraient pu trouver ensemble. J’ai du admettre que ma responsabilité de témoin allait faire mon engagement d’actant ; entre émission et réception, ennemi des histoires.

>

ses œuvres d’art mixtes sont des enquêtes

sur les représentations de situations concrètes,

> à travers des récits d’expériences,

ainsi que sur la présentation des idées qui les augmentent.

Toujours on est persuadé que ‘cela n’est pas’. Qu’il y a une bonne distance entre ce ‘cela’ et nous, la distance de l’écran, la protection du cadre. Alors que comprendre ? et je veux dire : que faire de cet ‘ici et maintenant’ différé ? qu’est ce qui est, ici devenu, autres que ces individus tellement à l’image ? autres que ces figures pour qui, même objectivés, nos corps prennent encore trop de place ?

Ce que je vois, et qui nous fait disparaître, a nourrit en moi l’envie d’être la première, la première femme libre de l’univers, insoumise aux images et à notre consensus d’être(s) lassé(s) d’une réalité inconséquente.

Il est des injonctions qui posent la question des raisons d’être et de faire, de faire humain.

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ses spectacles vivants sont basées

sur des situations inspirantes :

> des visions qui reflètent une sensation indiscutable

et des contemplations sereines, associées à

des détails subtils d’éléments étranges.

Si on sait ce que l’on donne à l’image, il est difficile de se construire sans elles, et d’une certaine façon, du moins je le crois, je suis simplement prisonnière de celle obstinée-à-ne-pas-vouloir-y-adhérer. Et d’une certaine façon je vous demande, à vous, d’adhérer à ce que je montre là ; obstinée à critiquer, mais critiquer comment ?

Je perds peut-être mon temps, à me faire beaucoup de souci pour notre état d’humain, capable d’engendrer ou de repartager ces images des ghettos de Calais ou de Palestine, ces vidéos des attentats des tours jumelles, depuis – pourquoi pas – cette lumineuse région découverte par Cézanne.

Ouvrant notre modernité aux partages (modernité en rupture avec les modèles classiques), nos désillusions aux émoticônes (désillusions des contemporains), nos sidérations aux shotcut, nous, hostiles à toutes captivités, hostiles à toutes destructions humaines, nous, convertis aux images binaires, policés aux attentes du public, nous soutenons une humanité assujettie aux selfies, effrayée à l’idée d’être apatride.

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en créant des situations

qui rompt la passivité du spectateur,

elle essaie de saisir le langage des images.

> transposé en art, ce langage devient un ornement.

à ce moment-là, beaucoup d’ambiguïtés et d’inexactitude,

qui sont inhérentes au phénomène, arrivent à la surface.

Espérer pouvoir agencer nos égoportraits pour nous garder intact, préservés des aléas que l’on-aurait-à-vivre-dans-un-inconnu-désorganisé, marque l’échec de notre identité, l’effondrement de la nature viable de notre intime. Ces ‘fabriqués de nous’, aux effets dévastateurs, ne parviennent quand même pas à nous protéger de nos affectes. Pire, fabriquer notre identité, dont les limites avec le virtuel n’existent que dans notre esprit, nous détruit.

Malgré tous nos possibles, niant nos désirs, nous sommes continuellement pervertis par des chemins déjà tracés. Et je ne défriche là rien de nouveau en exposant que toutes ces choses, qui pourraient nous être possibles, sont les mêmes, qui nous poussent tout le temps, à endosser une image modèle. C’est sinistre, autant que de mourir dans son gilet de sauvetage, ou de lancer son avion sur une tour.

>

en étudiant le langage sur un méta-niveau,

elle veut que le spectateur devienne une partie de l’œuvre

comme une sorte de composant ajouté.

dans ses œuvres,

être capable de toucher le travail,

ainsi que d’interagir avec le travail

est important.

Raoul Peck s’inspirant des mots et de la pensée de James Baldwin dans I am not your negro, nous dit que « les gens en générale ne peuvent pas supporter beaucoup de réalités, qu’ils préfèrent le fantasme à une recréation véridique de ce qu’ils ont vécus. (…) Les gens ont suffisamment de réalités à supporter rien qu’en vivant. »

Rien ne nous protège d’être vivant, rien non plus, n’exclut que nous le soyons. C’est ce que l’on se raconte, en se demandant d’être un bon endosseur d’image, engagée comme peut l’être, une artiste dans sa dénomination.

> ses travaux mettent l’accent sur

l’incapacité de la communication

qui est utilisée pour visualiser la réalité.

la tentative de dialogue, la dissonance entre la forme et

le contenu et les dysfonctionnements des images sont

des éléments clés de son travail.

elle vit actuellement et fonctionne ici,

actuellement.

ça, je le fais pour la énième fois. C’est une terrible chose pour moi, qu’une partie de moi, demande d’être certifiée artiste. C’est mon identité. Je ne peux en figer une autre, c’est mon illusion d’être qui repose lourdement sur mes épaules.

Je parle là en tant que membre d’une certaine démocratie optocratique, obstinée à rester étroite d’esprit, sans avenir possible hors de la justesse. Prête à croire à l’importance de cette valeur, comme à celles de la sincérité et de l’engagement, sine qua none à mon état d’artiste. Il en résulte que je considère ma maturité dans la création comme une vertu, mais je n’ai jamais été obligée à grandir à Calais ou de vivre en Palestine.

>

ses oeuvres d’art médiatiques et interactives sont

une enquête des concepts d’authenticité et d’objectivité.

elle utilisent une approche encyclopédique

et une précision quasi-scientifique du mensonge.

elles font référence aux documentaires,

à ‘la fiction de fait’

et aux équivalents scientifiques populaires.

Je suis née dans une famille de la petite bourgeoisie provinciale, que les années Lang ont décomplexé de leurs démissions face aux événements de 68, à la réappropriation d’une terre promise, à la construction et à la dissolution d’une république indépendance auto-proclamée et pas entièrement reconnue par une communauté dite internationale. À la fin c’est le spectaculaire, plus que l’émotion, la distance plus que l’engagement qui prévaut dans cette démocratie ; difficile pour moi de me tenir dedans.

>

ses oeuvres répondent directement à l’environnant

et utilisent des expériences quotidiennes

comme point de départ.

> souvent celles-ci sont les cas encadrés

qui passent inaperçus dans leur contexte original.

J’en viens alors à cette conclusion, que me faire violence est une nécessité. Si j’avais été fille d’ailleurs’ et d’autres’, je n’aurai peut-être pas eu à le faire. Ce que j’essaie de dire c’est que nous n’avons jamais été aussi désespérément sans désir. C’est là, les rétributions de nos démocraties optocratiques. Nous sommes dans ce fantasme de bonheurs obligés, coincés là, nous demandant pourquoi notre vie est si vide et insipide. L’admettre c’est déjà apprendre de la différence qu’il y a entre ce que nous nous demandons d’être et ce que nos affects ont faits de nous.

>

en utilisant les archives toujours croissantes

de documents trouvés pour créer des images autonomes,

son travail traite de la documentation d’événements du quotidien

et de la question de leurs présentations.

Les images de Calais ne sont pas là pour nous déranger – nous sortir de l’endroit où nous nous sommes rangés, mais pour nous rassurer de la validité de l’endroit où nous nous donnons à voir, incapables de nous confronter à nous même et au monde tel qu’il est.

Je suis peut-être en train de créer un storyteling (une machine à fabriquer des histoires, à mettre en récit) mais je ne crois pas au bonheur de ce que nous vivons. Laisser une part de notre humanité en endossant une image, a coûté, spectaculairement, la vie à des milliers de personnes. Incapables de supporter les avantages et les obligations de ne pas être nés en Palestine, nous ne voulons pas réellement nous imaginer le prix payé pas les victimes de nos images de bonheur. Nous ne souhaitons pas réellement comprendre pourquoi et comment certains se révoltent. Depuis mon enfance j’ai appris que me montrer affectée était un problème. Aujourd’hui, je suis fatiguée, et ce qui va être, sera sanglant et dure à vivre, dans le moins pire des cas.

>

ses œuvres isolent les mouvements des humains.

> ce faisant, de nouveaux ordres sont créés

qui révèlent une relation inséparable

entre les actes et leurs médiations.

en démontrant l’omniprésent persistante

‘d’un monde de l’image’,

elle essaye de s’approcher du sujet

d’une façon à plusieurs couches, en puzzle.

Ce régime de l’image, comme les histoires qu’elles véhiculent, ne nous ont pas rendu meilleurs, ni plus heureux, mais ont fait de nos vies des espaces manipulables sans démocratie, ni liberté. Et cela, nous refusons de l’admettre. Pour continuer à accepter cette réalité, on me dit que je suis devenue amère. Bon, il se peut que je le sois. Face au bonheur, de toute évidence, je le suis. Et je me dis qu’il existe deux façons d’appréhender – de saisir par notre corps et notre esprit – ce qui nous advient.

>

son travail est une quête

> des représentations et des situations concrétes

aussi bien que des descriptions et des idées qui les augmentent.

ses spectacles vivants peuvent seulement être réalisés

à partir de laboratoires participatifs de création

agrégés par des systèmes numériques d’échanges.

La première se trouve dans l’acceptation des images inculquées comme modèles – et je ne parle pas là des stéréotypes ; trop grossiers et obsolètes.

La seconde, indispensable à notre état d’humain, réside dans la confrontation aux êtres vivant à Calais, en Palestine, au Vénézuela, en Turquie, en Grèce. C’est ce que j’ai voulu faire en dénonçant des avatars qui volent à nos secours : proposer une confrontation entre deux niveaux d’expériences pour ne pas continuer comme ça, continuer à être des monstres. Il nous faut affronter dans le présent une autre manière d’être au réel. Face à face, on se doit de se regarder. Notre futur dépend de notre capacité à nous confronter ensemble aux images, à celles que l’on endosse comme à celles que l’on fait endosser. Nous dépendons, et faisons dépendre de la qualité de notre regard.

>

mireille.batby vit actuellement au sein du labelm-public

et marche dans le Web.

mireille.batby, Pau, aout 2017

> les textes en gris sont rédigés à partir d’un générateur de présentations d’artistes. le visuel en tête de page est généré par un générateur d’images.

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